Un arrêt du Conseil d’État du 13 mars 2025 apporte un éclairage sur la non-applicabilité du délai de standstill dans le cadre spécifique des marchés publics de maîtrise d’œuvre conclus à l’issue d’un concours restreint.
Le délai de standstill (ou délai de suspension) vise à garantir l’effectivité des recours précontractuels en empêchant la signature du contrat. L’article R. 2182-1 du code de la commande publique (CCP) impose ainsi un délai minimal (11 ou 16 jours selon le mode de notification) entre la notification de la décision d’attribution et la conclusion du contrat, pour les procédures formalisées et soumises à publication au JOUE.
Dans cette affaire, une commune avait engagé un concours restreint pour la construction d’une médiathèque. Deux groupements avaient été désignés lauréats à l’issue du concours. À l’issue de négociations, le marché a été attribué à l’un des groupements, écartant l’offre du second groupement, qui saisit alors le juge des référés.
Le marché avait été signé le jour même de l’envoi de la lettre de rejet au groupement non retenu, alors même qu’un délai de standstill avait été mentionné dans cette lettre de rejet.
Le juge des référés rejetant sa demande, le groupement non retenu se pourvoit en cassation devant le Conseil d’Etat.
Le Conseil d’État juge indique le délai de suspension prévu à l’article R. 2182-1 du CCP n’est pas applicable dans le cas d’un marché négocié conclu à l’issue d’un concours restreint, quand bien même le marché est d’un montant supérieur aux seuils de procédure formalisée et un avis de concours a bien été publié au BOAMP et au JOUE.
Selon la Haute Juridiction, le marché conclu avec l’un des lauréats d’un concours, s’agissant d’un marché négocié avec le ou les lauréats d'un concours restreint, ne relève pas d’une procédure formalisée, et ainsi, le maître d’ouvrage n’a pas à respecter le délai de standstill prévu à l’article R2182-1 du CCP. Cette procédure négociée permettant l’attribution du marché de maîtrise d’œuvre à l’un des lauréats du concours est bien une procédure dérogatoire telle que prévue à l’article R. 2122-6 du CCP, qui permet une négociation directe sans nouvelle mise en concurrence, et ce, en application de l’article 32.4 de la directive 2014/24/UE.
En conséquence, aucune obligation légale de respecter le délai de standstill ne s’impose au maître d’ouvrage, ce qui exclut toute annulation du contrat par le juge sur le fondement de l’article L. 551-18 du code de justice administrative.
Le Conseil d’État ajoute que la circonstance que la commune n'avait pas respecté le délai qu'elle s'était imposé à elle-même et dont elle avait informé le groupement non-retenu dans la lettre de rejet de son offre ne pouvait être utilement invoquée au soutien de la demande d'annulation du contrat.
Cette décision permet de sécuriser la pratique des acheteurs publics pour la signature de leur marché de maîtrise d’œuvre négocié avec l’un des lauréats du concours. En revanche, pour les opérateurs économiques, en cas de pluralité de lauréats d’un concours, ces derniers ne disposent pas de la possibilité d’exercer un référé précontractuel ou contractuel dans le cas où l’acheteur public signe le marché public concomitamment à la notification de la décision d’attribution au(x) non-retenu(s).
Conseil d'État, 7ème - 2ème chambres réunies, 13/03/2025, 498701